L’UVSQ a fait beaucoup parler d’elle ces derniers mois. On le comprend aisément : qualifiée d’université championne de la LRU en janvier 2012 par l’ancienne présidente Sylvie Faucheux, l’UVSQ s’est retrouvée en cessation de paiement à l’automne 2013 et l’ex-présidente vient d’être sèchement limogée de son nouveau poste de Rectrice de l’académie de Dijon. Comment comprendre cette situation assez inédite ? Que nous dit-elle du fonctionnement actuel des universités françaises à la mode responsabilités et compétences élargies ?
Chronologie des événements
L’UVSQ a été dirigée de 2002 à 2012 par Sylvie Faucheux, puis depuis 2012 par Jean-Luc Vayssière, ancien Vice-Président du CA qui s’est fait élire sur un programme affichant sa volonté de poursuivre la politique de l’ancienne présidente. La période 2008-2012 a été marquée par une politique de mise en oeuvre zélée de la loi LRU et des Responsabilités et compétences élargies (RCE), avec les conséquences et les dérives maintenant bien connues : régime présidentialiste accentué, primes diverses et variées octroyées en toute opacité, restructurations internes réalisées à la hussarde et parfois abandonnées aussi vite, signature en 2009 de deux Partenariats Public Privé (PPP) pour la construction d’un nouveau bâtiment et pour la maintenance des bâtiments de l’université.
Mais cette politique LRUiste a un coût qui se révèle vite très lourd. Dès 2012, l’UVSQ se trouve confrontée à de sérieux problèmes de trésorerie et de budget, aggravés par le fait que ces derniers se sont révélés insincères, notamment parce qu’ils surestimaient largement les prévisions de recettes. La situation budgétaire de plus en plus tendue imposée aux universités ces dernières années est de fait redoublée à l’UVSQ par la montée en puissance des charges des PPP : la trajectoire budgétaire de l’université n’est plus tenable. Fin 2012 apparaissent les premiers signaux d’alerte, en juin 2013 un plan très dur de restriction budgétaire est mis en place. A l’automne 2013, l’université ne peut plus faire face à ses dépenses courantes.
S’ouvre alors une période éprouvante pour tous, marquée par une très forte incertitude, pour les personnels et les étudiants. La présidence de l’université, sous pression, a essayé de faire bonne figure en appelant le ministère à l’aide et en se lançant dans des opérations de communication parfois hasardeuses (notamment l’annonce précipitée juste avant les vacances de Noël d’un risque de fermeture de l’université en 2014). La ministre s’est trouvée quant à elle face à une situation pour le moins inconfortable : d’un côté, elle ne peut pas ne pas venir en aide à une université en grande difficulté ; de l’autre, le risque est grand de mettre le feu aux poudres en l’aidant, alors que beaucoup d’autres universités sont également en difficulté du fait de l’austérité budgétaire imposée dans l’ESR. L’ancienne ministre est en effet tenue de ne pas lâcher sur ce qui constitue le coeur de sa politique budgétaire : continuer à distribuer plusieurs milliards par an de crédit impôt recherche largement inefficace alors que les universités sont étranglées financièrement. Le ministère va donc s’employer à gagner du temps en repoussant semaines après semaines les aides promises tout en martelant que la situation de l’UVSQ est exceptionnelle et que tout va bien dans l’ESR – au mépris de ce que tout le monde sait.
La mobilisation des personnels et des étudiants
C’est dans ce contexte que l’intersyndicale FERC-Sup CGT, Snesup-FSU et UNEF de l’UVSQ a décidé d’organiser la mobilisation pour refuser que les personnels et les étudiants payent les errements passés de la direction de l’UVSQ et du ministère. En organisant régulièrement des assemblées générales des personnels et des étudiants, des rassemblements devant le conseil d’administration (qui sera même envahi en décembre 2013 pour protester contre l’indigence totale du montant de la dotation 2014 octroyée par le ministère) et le rectorat de l’académie de Versailles, en intervenant à de multiples reprises dans la presse, l’intersyndicale et les étudiants et personnels mobilisés ont porté un message fort en direction de la présidence de l’UVSQ et du ministère.
Nous avons ainsi exigé dès le mois de juin 2013 de la présidence de l’université qu’elle fasse toute la lumière sur la politique menée à l’UVSQ ces dernières années et qu’elle en tire toutes les conséquences pour l’avenir, qu’elle s’engage sans délai dans une dénonciation des ruineux PPP en sollicitant pour cela l’aide technique du ministère, qu’elle préserve les emplois et les formations de l’UVSQ, et qu’enfin soit engagée une réflexion sur l’avenir des l’UVSQ sur la base d’une large concertation.
Mais si incontestablement la situation catastrophique de l’université relève de choix locaux – ce que le rapport de la cour des comptes sorti en mars 2014 a amplement démontré depuis – il n’était pas question de nous en tenir à cette explication, comme le ministère essayait vainement de le faire croire. Les choix politiques et budgétaires de V. Pécresse et G. Fioraso ont également leur place dans ce désastre. Le rapport de la cour des comptes le rappelle : l’UVSQ a été largement sous-dotée en postes et en crédits de fonctionnement. Le modèle SYMPA d’allocation des moyens du ministère indiquait en décembre 2013 que l’université aurait en 2014 une sous dotation théorique de l’ordre de 200 emplois et 1,6 millions d’euros de crédits. Les PPP signés l’ont été avec l’encouragement actif de la ministre de l’époque, et le rectorat a de fait validé les budgets insincères votés ces dernières années.
L’intersyndicale a donc décidé d’interpeller directement la ministre, en la rappelant à ses responsabilités. Nous avons ainsi exigé que les rallonges budgétaires promises au mois de décembre par le ministère et finalement retirées soient restituées à l’UVSQ afin que l’université puisse fonctionner correctement en 2014, autrement dit sans faire payer aux étudiants et aux personnels une situation dont ils ne sont en aucune façon responsables. Nous avons également exigé que le ministère s’engage pour aider l’UVSQ à sortir des PPP, et qu’il se donne les moyens de faire un bilan précis de la gestion passée.
La situation actuelle de l’UVSQ
L’action de l’intersyndicale et la mobilisation des personnels et des étudiants ont fini par payer : l’un des deux PPP a été renégocié afin d’en réduire le périmètre, et la ministre a fini par accorder – début mars 2014, soit plus de 4 mois après le début de la crise budgétaire – une rallonge budgétaire ainsi qu’un prêt pour fonctionner cette année.
La situation est cependant loin d’être rétablie, et il reste encore de nombreuses questions sans réponses. Si le rapport de la cour des comptes permet d’y voir plus clair sur ce qui s’est réellement passé ces dernières années à l’UVSQ, force est de constater que le ministère ne se donne pas tous les moyens pour faire toute la lumière sur les errements passés. Heureusement qu’en la matière certains journalistes se révèlent nettement plus curieux que madame Fioraso. Plus grave : la présidence de l’UVSQ a été priée de ne plus faire de vague, puisque sa survie dépend du bon vouloir du ministère, et elle s’apprête donc à poursuivre la cure d’austérité drastique en espérant pouvoir boucler les fins de mois de l’université. Faute d’avoir une vision claire du budget alloué désormais par le rectorat, l’université continue de naviguer à vue, sur fond de restrictions massives : gel de postes se traduisant par une surcharge de travail dans les services et les composantes, suppression de cours, de formation voire de filière entière, réduction de 75% des budgets de fonctionnement dans les laboratoires de recherche et les UFR.
Finalement, de quoi l’UVSQ est-elle le nom ? Cet épisode démontre de manière éclatante que l’autonomie version LRU et loi Fioraso rime avec misère budgétaire, opacité de gestion des universités et qu’il n’est plus possible de poursuivre cette politique mortifère d’austérité dans l’enseignement supérieur et la recherche.
Jérôme Deauvieau, Snesup UVSQ.